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Interview #1 - MSS FRNCE

Interview #1 - MSS FRNCE

Le groupe MSS FRNCE a récemment annoncé quitter Spotify, souvent pointée du doigt ces derniers mois pour sa politique économique et éthique.
Chez FrancePunkScene.net, on défend aussi un web plus libre, décentralisé et indépendant, alors forcément, on voulait leur donner la parole.

Q : Salut MSS FRNCE. Tout d'abord, pour ceux qui ne vous connaissent pas, est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Salut toi. MSS FRNCE fête cette année 2025 ses 10 ans d’existence de groupe, originaire de Paris, ville de l’amour. Un quatuor, formé aujourd’hui d’Antoine à la guitare, Jérôme à la basse, Martin au chant et moi-même Jérémie à la batterie, qui vient de sortir, en avril dernier, son septième EP, logiquement appelé “VII”.
Sept chansons enregistrées chez Henri d’Armancourt, mises en beauté par Simon Sek au graphisme, et en images qui bougent par Martin Sek. Dans cet EP, on emmène la formule MSS FRNCE, en construction depuis “I” en 2016, un peu plus loin, avec de nouveaux sons, de nouvelles manières d’écrire, mais avec toujours la même intensité, la même énergie et la même hargne contre l’absurdité du monde.
On a pu jouer notre musique en France, Belgique, Luxembourg, Espagne, Pays-Bas, Canada sur plus de 130 concerts. Les prochains sont annoncés sur nos réseaux.

On refuse que la musique, vecteur de paix, participe à cette industrie de la mort

Q : Vous avez récemment décidé de quitter Spotify. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

On n’a jamais aimé le streaming en général, mais c’est une manière de coller aux usages actuels et il serait hypocrite de dire qu’on ne l’utilise pas, sous une forme payante ou non. Spotify tient tout de même le pompon. Déjà, il y a la rémunération des artistes : Spotify a la pire redistribution. C’est du foutage de gueule. On a choisi de ne pas faire de MSS FRNCE notre gagne-pain, donc on peut se permettre de dire non aux maigres deniers que cette plateforme nous verse, parfois. On refuse de participer à un système qui contribue à la paupérisation des musicien.ne.s et à l’enrichissement des gros (majors comme richissimes artistes).

En outre, la manière dont Spotify ouvre la porte à l’intelligence artificielle participe aussi à cet appauvrissement et à l’invisibilisation des artistes indé, émergents comme installés.

Et finalement, Daniel Ek, son pdg, préfère investir l’argent de Spotify dans l’industrie militaire, destinée à créer des armes qui servent, par exemple, à Gaza. On refuse que la musique, vecteur de paix, participe à cette industrie de la mort. Toutes ces questions sont bien documentées dans des médias généralistes, sérieux et accessibles à tout le monde.

Q : Vous aviez déjà une réflexion sur le sujet avant cette décision ?

On détaille ces raisons dans un post sur nos réseaux sociaux, et on a pu constater que nous n’étions pas les seuls à avoir eu cette réflexion et ce mouvement de recul. Ça nous a confortés dans notre action. Comme dit plus haut, on n’a jamais été fana du streaming. Nos deux premiers EPs ne sont d’ailleurs pas dispo sur les plateformes, pour diverses raisons, l’une d’elles étant qu’on se satisfaisait très bien de Bandcamp, à peu près seule plateforme qui met l’artiste devant (sans être exempte de défaut). Donc on a toujours été traversé par cette réflexion d’y aller puis de s’en retirer. Et quitter Spotify a été souvent sur la table. C’est le dernier point soulevé plus haut, puis de constater un début de mouvement d’autres artistes ou auditeurices qui nous a finalement décidés.

Q : Est-ce que vous craignez que cette décision vous fasse perdre en visibilité ?

Il est vrai qu’en quittant la première plateforme de streaming, on pourrait se couper d’une visibilité.
Mais l’algorithme est aujourd’hui ainsi fait, les majors ont un tel contrôle sur la plateforme, et Spotify avance tellement ses propres intérêts (podcast, IA) que nos chances de profiter d’un peu de visibilité s’amenuisent de jour en jour.
Voire sont impossibles. Il y a plus de place à l’émergence ou aux indés dans ces endroits, malheureusement.

On a réussi à profiter de playlists édito, soit des listes où les morceaux sont choisis par un.e humain.e chez Spotify, ce nerf de la guerre qui permet à ton groupe de profiter d’une belle exposition durant quelques semaines.
Ça nous a indéniablement servi à être découvert par quelques personnes et gagné quelques euros qu’on a sans doute investi dans une prod de T-shirts. Mais pour cela, il faut jouer avec les règles contraignantes d’une industrie qu’on trouve dégueulasse.
On l’a constaté avec “VII”, absent de ses foutues listes malgré le taf de nos distributeurs-éditeurs et notre temps perso investi, et ce qu’on a pu lire à droite et à gauche : il est aujourd’hui impossible, pour un groupe comme nous, d’y figurer.
Donc sans regret aucun.

Q : Vous parlez souvent de “faire autrement”. Quelles alternatives vous semblent viables aujourd’hui pour les artistes ?

On le répète : l’alternative a toujours existé.
On joue sur scène, on sort nos disques (notamment sur Bandcamp), on produit une vidéo par morceau sur notre chaîne YouTube, on est actif sur les réseaux sociaux, on compte sur les relais de certains médias indé qui nous apprécient (et qu’on apprécie, merci FrancePunkScene.net).
C’est ça le DIY !

Q : Justement, vous proposez à votre public de venir vous voir sur scène. Comment on ramène encore des gens dans les salles à l’ère du tout numérique ?

En utilisant les outils qu’on maîtrise, mais avant toute chose, en convaincant sur scène.
MSS FRNCE est avant tout un groupe de concerts. Le public ne sort pas de nos lives sans avoir ressenti quelque chose (majoritairement des émotions positives, parfois, ça arrive, du négatif, et c’est OK).
Nous, en tout cas, on quitte systématiquement la scène en ayant donné le maximum que l’on pouvait donner à ce moment-là, que ce soit devant trois mille personnes déchaînées comme cinq personnes bras croisés (qui les décroisent assez vite).
Je ne te pipeaute pas en te disant ça. On est un groupe sincère et généreux, c’est cette réputation qui amène des gens à s’intéresser à notre musique.

Q : Avez-vous ressenti un soutien de la scène suite à cette annonce ? Peut-on espérer un mouvement plus large ?

On a pris cette décision en notre âme et conscience, en en discutant entre nous (durant 3 secondes avant de tomber d’accord), puis en étant soutenu par nos distributeurs et éditeurs.
Notre communication a été suivie de beaucoup de messages de soutien et de validation – ça signifie qu’il y a une prise de conscience qui nous précède. Certains gros noms l’ont déjà fait, pour des raisons similaires, et ceux-là ont autrement plus d’influence que nous.
On n’appelle personne à faire de même, mais si notre action peut faire réfléchir, c’est déjà ça.

Aussi, nous comprenons tout à fait les différentes raisons qui pousseraient d’autres artistes de notre scène ou non, pro ou non, à rester sur Spotify et consorts. Comme de jouer dans certains festivals pas super fréquentables, ou autre.
Nous, on a fait le choix de ne pas payer notre loyer et nos courses grâce à notre musique.
La moindre des choses, vu ce privilège, c’est de l’ouvrir, de prendre des décisions, parfois radicales, et de s’y tenir.

Q: Envisagez-vous de quitter d’autres plateformes ?

Spotify est l’arbre qui cache une forêt bien ripou.
Ce n’est pas parce que cette plateforme concentre les critiques que les autres font mieux.
Un peu, parfois, mais pas tellement : la rémunération est naze ailleurs aussi, les financiers derrière certaines ne sont pas forcément recommandables, etc.
Ce sont de toute façon des entreprises capitalistes, qui vendent des abonnements, et non de la musique.

Q : Avant de se quitter, un petit mot sur votre actualité actuelle et à venir ?

On finit la riche année 2025 sur quelques beaux concerts, à Niort (12/11), La Roche-sur-Yon (13/11), Bordeaux (14/11) et Montreuil (5/12) et d’autre(s) à annoncer.
Tout est sur nos réseaux sociaux.
2026 va être méga cool à passer sur la route aussi, afin de jouer les morceaux de “VII”... et peut-être ceux de “VIII” ?

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